Editions Perrin :: 1998/2003 :: acheter ce livre

C’est l’un de ces livres d’Histoire au format poche disponibles jusque dans les gares, l’une de ces sommes sur un sujet très général susceptibles de captiver le grand public. Dans ce bouquin long et fourni, le médiéviste Jean Verdon aborde de façon extrêmement complète toutes les formes de voyages et de déplacements au Moyen Âge. Il parle de leurs motifs, de leurs modalités et de leurs acteurs, de la façon dont ils étaient vécus, conçus, appréhendés, qu’ils aient été réels ou imaginaires. Le spectre est d’autant plus large qu’aucun siècle de cette longue période n’est laissé de côté et que l’auteur ne se limite pas à l’Occident chrétien, qu’il aborde également le monde musulman et qu’il voit large avec ses très nombreuses sources, au premier rang desquelles les récits des voyages de Marco Polo, de Christophe Colomb et d’Ibn Battûta, dont il cite de larges extraits.

Le livre est tellement vaste et complet qu’il va au-delà de son objectif, qu’à travers la description de ces pérégrinations, c’est tout le portrait de la vie quotidienne du Moyen Age qui est dressé, c’est un panorama complet de ses croyances et de ses représentations, c’est une description de tous ses ordres et de tous ses types sociaux. Cette vision générale est la force du livre, mais c’est aussi sa faiblesse. A tant parler de tout, à privilégier l’analyse par rapport à la synthèse, la somme plutôt que la concision, Jean Verdon ne présente aucune idée forte sur son sujet d’étude. Même la conclusion peine à dégager une idée générale de ce qu’était le voyage au Moyen Age, se contentant de résumer les 350 pages précédents plutôt que d’en tirer un message, une leçon. Disant, en gros, que le voyage à cette époque c’était un peu pareil que maintenant, mais tout de même singulièrement différent.

La frustration qui préside à la lecture du livre tient à l’ampleur du champ d’étude : après tout, quel rapport entre le Haut Moyen Age et l’époque des grands explorateurs, à l’orée de la Renaissance ? Et pourquoi traiter simultanément des civilisations musulmane et chrétienne ? Pourquoi pas, tant qu’à faire, prendre en compte les points de vue chinois ou indien ? L’autre raison de cette déception, c’est la structure même du livre. Il en ressort une impression de fouillis, de fourre-tout. Quelquefois, Jean Verdon donne l’impression de recourir au remplissage, par exemple quand il part dans un long résumé de la Divine Comédie de Dante destiné à illustrer toute une partie sur les voyages imaginaires qui arrive comme un cheveu sur la soupe, sans grand rapport avec les précédentes.

Il y a deux façons de faire un livre d’Histoire solide et porteur. D’abord, recourir à l’intrigue, à l’histoire avec un petit "h". C’est le cas quand le déroulé est chronologique, que l’ouvrage raconte l’évolution dans le temps d’une figure historique, d’un peuple, d'une caste, d’une notion ou d’une idée. L’autre moyen est de défendre une thèse, de proclamer une à trois idées fortes que chaque chapitre renforcera à l’aide de nouveaux arguments et de nouvelles illustrations. Mais Jean Verdon ne fait ni l’un ni l’autre. Il ne présente pas, ou peu, comment la perception et les modalités du voyage ont évolué au cours de la période. Il n’explique pas non plus de façon convaincante quels sont les traits distinctifs du voyage à l’époque médiévale. Son livre est une succession de considérations sans lien les unes avec les autres, une compilation exhaustive sur le sujet traité, mais dont finalement, ne risquent d’être retenus que des bribes et des lambeaux.