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Quelques motifs se répètent il est vrai. Tyrion, comme dans A Game of Thrones, se voit accusé à tort d'un grave méfait, et il tente de s'en sortir en demandant une nouvelle fois à un champion de prouver son innocence par les armes. Il est, comme dans A Clash of Kings, question d'un héros mal remercié après avoir défendu bec et ongle une forteresse contre un ennemi supérieur en nombre, et secouru juste au bon moment par un renfort inattendu. Et surtout les gentils Stark, jusqu'ici les principaux héros de l'histoire, s'en prennent plus que jamais plein la figure, subissant de nouvelles pertes.

Les uns après les autres, les Stark meurent ou s'enfuient en exil. Qu'à cela ne tienne, l'auteur a trouvé un moyen de prolonger l'histoire : il relate maintenant l'intrigue à travers les yeux de leurs ennemis, les Lannister. C'était le cas dès le début de la série, certes, avec ces chapitres où l'histoire nous était présentée avec les yeux de Tyrion. Celui-ci, cependant, en dépit de sa mauvaise réputation et de son aspect repoussant, était le gentil de la famille. Avec son frère Jaime, en revanche, dont on suit dorénavant les aventures, c'est une autre paire de manches. Incestueux, parjure, régicide, infanticide et insolent, celui-ci était, jusqu'ici, le portrait type du pervers et du méchant.

Mais à présent que l'on connait sa version de l'histoire, cela n'est plus si évident. Via un dialogue avec Brienne de Tarth, le lecteur découvre chez Jaime une personnalité nuancée. On lui présente un homme confronté trop jeune à des choix impossibles, capable d'abnégation et de gestes chevaleresques, dont la vraie nature diffère de l'image publique. Et quand il souffre d'une main mutilée ou de la perte de ses proches, il est difficile de ne pas sympathiser. En contrepoint, c'est presque les Stark, avec leur droiture et leur promptitude à juger les autres, qui nous paraissent froids et inhumains.

Pour beaucoup, le principal mérite d'A Song of Ice and Fire est d'avoir définitivement mis à mal le manichéisme que l'on associe souvent à la fantasy. Avec ce A Storm of Swords où le Régicide est maintenant propulsé au rang de héros, cela est plus vrai que jamais. Et cela devrait encore s'amplifier avec le volume suivant, où certains chapitres seront racontés cette fois du point de vue de la sœur jumelle de Jaime Lannister, Cersei, la Cruella de l'histoire, qu'il paraît encore plus ardu de présenter sous un jour favorable.

L'autre caractéristique d'A Song of Ice and Fire, c'est sa noirceur, son pessimisme et sa lecture machiavélique du pouvoir. Tout cela, également, atteint un paroxysme avec ce troisième tome. Les coups bas s'y multiplient. Trahisons, tromperies, assassinats et massacres de masse, sont au cœur de chaque intrigue ou presque. Des créatures monstrueuses se manifestent aussi, de plus en plus fréquemment, notamment plusieurs espèces de morts-vivants. Et quelques pages mettent en scène des épisodes d'une violence inouïe, comme ces Noces Pourpres qui sont au cœur du livre, et auxquelles l'auteur, de son propre aveu, a consacré ses plus grands efforts d'écriture.

Comme avec le volume précédent, ce pessimisme en est désespérant. Il donne l'impression que, pour Martin, il n'y a aucune issue heureuse possible. L'écrivain allume quelques lumières, pourtant, en toute fin de livre. Si Sansa collectionne les mésaventures et les déceptions, tombant de Charybde en Scylla, les succès militaires de Daenerys, la montée en grade de Jon Snow, la quête de Bran, les exils d'Arya et de Tyrion, les bonnes résolutions de Jaime, et surtout, la surprise révélée dans les toutes dernières pages, portent tous les promesses de coups de théâtre spectaculaires et de vengeances futures.