Bantam Books :: 1996
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Sauf que là, vraiment, l’écrivaine nous fait attendre. Dans le premier volet, déjà, l'action était pour le moins mesurée. Mais comme pour tout bon roman d’apprentissage, le lecteur prenait plaisir à découvrir l’évolution du jeune bâtard FitzChivalry, à suivre sa formation de noble, de combattant, de mage et d’assassin. Cette fois, l'intrigue ne s’étale que sur deux années et le garçon a cessé de grandir. Au retour du Royaume des Montagnes et des épreuves qu’il y a traversées, le caractère du héros est fait. Il est proche de celui de son défunt père, le prince Chivalry, avec en sus les frustrations que lui cause son inconfortable statut de bâtard et les lourds secrets qu’il est contraint de garder.

Maintenant, au lieu d’un roman d’apprentissage, Robin Hobb nous propose un roman psychologique, où la fantasy n’est qu’un cadre, un décor. Le livre n’est fait que des parties de barbichette entre Fitz et l’entourage du château. Pendant toutes ces pages, on voit le jeune homme monter et descendre sans cesse les étages pour discuter avec la dizaine de personnages que sont le rustre Burrich, Chade le maître assassin, l’originale Patience, la jeune reine Kettricken, le déclinant roi Shrewd, son étrange bouffon, le gentil prince Verity, son méchant frère Regal et les jeunes magiciens Serene, Justin et Will. Sans oublier Nighteyes, un loup auquel Fitz se lie après lui avoir rendu sa liberté, et la servante Molly, son amie d’enfance devenue sa maîtresse. L’histoire est celle des relations compliquées et changeantes entre toutes ces personnes.

Et pendant tout ce temps, il ne se passe presque rien. Il y bien un arrière-plan politique pesant : des attaques répétées de barbares venus de la mer ; des dissensions entre les duchés du pays et des velléités séparatistes ; un roi mourant et ses deux fils qui s’affrontent. Mais l’intrigue avance à la vitesse de l’escargot. A lire Royal Assassin, on croit parfois regarder un soap opera, de ceux où la fête de noël s’étale de façon interminable sur une vingtaine d’épisodes ; ou bien une partie des Sims, ce jeu du vide qui consiste à faire faire pipi et prendre sa douche à des personnages fictifs. Il y a bien un espoir au milieu de l’ouvrage, quand il est question de lancer une quête pour retrouver de mythiques Ederlings. Malheureusement, ce n’est pas Fitz qui s’y colle, mais le prince Verity. Nous, lecteurs, sommes punis. Nous devons rester avec le héros, confinés entre les murs oppressants de Buckkeep.

Robin Hobb est la reine du teasing. Elle nous fait gamberger. A maintes reprises, il est tentant d’abandonner ce livre déconseillé aux claustrophobes et de laisser Fitz errer seul dans sa citadelle. Mais l’écrivaine est assez adroite pour captiver le lecteur et ajouter un soupçon de sel là même où le récit semblait s’enliser. Royal Assassin ne s’abandonne pas si facilement. Et puis il y a cette fin, donc. Cette fin qui donne tout son sens et tout son intérêt au livre et aux centaines de pages mortelles qu’il a fallu se palucher avant. Cette fin toute en révélations, en précipitation, en trahisons, en menaces, en meurtres, en fuites, en magie et en séances de torture. Cette fin qui n’est pourtant pas tout à fait une apothéose, puisque Robin Hobb en a gardé assez sous le coude pour nous faire subir les centaines de pages du volume suivant.