La convenance, la bienséance, cette attitude moraliste détestable, la même qui consiste à prétendre que le rap “conscient” serait plus honorable que le hip-hop matérialiste, voudrait que les Legos soient des jouets supérieurs aux Playmobils. Mais je m’insurge. Je vote Playmobil, haut la main. Et ce n’est pas par pur esprit de contradiction.

Playmobil Wins

Aux Playmobils, on reproche d’être plus limités et moins plastiques que les Legos, lesquels, du fait de leurs milliers de configurations possibles, offriraient à nos bambins de multiples occasions de faire travailler leurs méninges. Mais la rigidité des Playmobils, c’est justement un défi. Elle t’oblige à mettre l’accent sur l’histoire dès que les jouets sont sortis de leur boîte, elle stimule ton imagination, alors qu’avec les Legos tu t'égares dans des considérations triviales genre “comment faire pour que ces deux cubes ressemblent à une station orbitale”. Avec les Legos, tu ne cherches qu’à reproduire le quotidien, la forme en vient à dominer le fond. Avec les Playmobils, tu t’émancipes de la matière.

Le joueur de Lego, c’est le virtuose, le guitar hero ou le turntablist qui, celui qui passe son temps à explorer ses innombrables capacités et en oublie de raconter des choses aux autres. C’est l’onaniste, c’est le branleur. Le joueur de Playmobil, c’est le musicien lofi qui, pour mieux contrecarrer ses limites techniques et musicales, se surpasse et met tout ce qu’il a dans l’essentiel : l’interprétation. Le joueur de Lego, c’est le gosse bricoleur qui joue au foot, celui qui rêve d’être grand et de ressembler à son père. Le joueur de Playmobil, c’est le gamin mal dans sa peau, mal dans sa vie, arty. Il fait sans doute meilleur d’être le premier, mais le second est nettement plus intéressant.

Au fil des ans, cependant, ces deux jouets ont convergé. Le Lego s’est recentré sur les personnages et les histoires, recyclant les mythes modernes à la Star Wars, à la Indiana Jones, à la Harry Potter. Dans les années 70, celles où Playmobil a fait son apparition, il n’y avait pas de personnages Lego. C’est arrivé dix ans après. Le Playmobil de son côté, mais de façon moins marquée, s’est mis aux jeux de construction, avec par exemple toutes ces maisons et châteaux forts qu’il faut monter après achat et qui peuvent changer de forme, avec ou sans suppléments.

Le fait que Lego a fait un plus grand pas vers Playmobil que l'inverse, le fait même, si l’on croit à la notion de progrès, que Playmobil soit une invention plus récente, sont pour moi une preuve non négligeable de sa supériorité.