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ROBERT KIRKMAN - The Walking Dead: Compendium Three

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ROBERT KIRKMAN - The Walking Dead: Compendium Three

Parmi les reproches qui ont été adressés à The Walking Dead figure celui-ci : ce serait, en fait, comme on l'a déjà dit ici, une sorte de soap opera, dont la seule originalité serait de se dérouler chez les zombies. On y verrait une galerie de personnages, empêtrés dans une histoire sans fin qui ne suivrait aucune intrigue, qui ne serait en fait qu'une suite d'événements aléatoires. La seule différence, c'est que la question ne serait plus de savoir qui couchera avec qui, mais plutôt quel sera le prochain héros mangé tout cru par un mort-vivant, ou pris pour cible par le prochain chef de clan hostile. Si ces critiques ne sont pas tout à fait absurdes, elles sont cependant infondées. La troisième compilation des comics, sortie opportunément au moment même où démarrait la sixième saison de son adaptation télévisée, prouve encore que The Walking Dead, en tout cas dans sa version papier, vaut bien plus que cela.

ROBERT KIRKMAN - The Walking Dead: Compendium Three

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Tout d'abord, que l'histoire soit improvisée, ou que l'auteur en ait planifié la trame depuis le début (peu importe), elle a un sens. Elle ne suit pas, comme j'avais pu le lire par le passé, des motifs répétitifs (on fuit les zombis, on sécurise un endroit, l'endroit est ravagé par les zombis, on fuit encore les zombis, etc.). Elle progresse, au contraire. Alors qu'au début on suivait un petit groupe de gens ballotés par les événements, perdus dans un monde méconnaissable et déchainé, le troisième compendium de la BD met en scène des petites sociétés, des micro-états, qui tentent de reconstruire la civilisation, tout en s'engageant dans de savants jeux d'alliances, de domination ou de conflits. Les zombis, d'ailleurs, passent à l'arrière-plan. Ils sont moins dessinés. Ils sont moins une menace. Les divers clans mis en scène savent s'en accommoder, il arrive même qu'ils s'en servent comme armes de guerre.

Au regard de cette évolution, Rick Grimes, le héros, devient bien plus qu'un survivant parmi d'autres, de l'apocalypse qui a changé l'essentiel de l'humanité en morts-vivants. Il s'avère qu'il avait un destin : celui d'être le chef d'un monde en reconstruction. Au regard de son nouveau statut, les épisodes du début prennent un tout autre sens : ils étaient, en fait, le récit de la naissance d'un chef. Ils racontaient les épreuves que devait affronter cet homme, à l'origine un simple flic, pour devenir un fin politique, pour comprendre comment mener des hommes, comme susciter leur confiance, et comment utiliser, ou pas, la violence. Bref, The Walking Dead raconte bel et bien une histoire, il n'est pas qu'une accumulations d'épisodes répétitifs.

L'autre raison pour laquelle la BD The Walking Dead n'est pas un simple soap opera, c'est qu'elle nous confronte à des personnages fins et ambigus. Même le nouveau Rick Grimes que nous dévoile les derniers épisodes, ce patriarche barbu marchant avec une canne, ce leader révéré de plusieurs communautés, soucieux de maintenir la paix et d'assurer le bonheur des siens, cet homme qui a renoncé à la violence et à la mort, n'est pas exempt de failles, de défauts et d'arrière-pensées. On le voit par exemple piquer une crise de nerf après un soldat qui a mal assuré sa mission, le battre, s'acharner sur lui. Negan, le méchant qui apparait dans ce troisième volume, sait d'ailleurs décrypter les motivations noires du héros, dans un passage où il lui sert ses quatre vérités.

Negan, parlons-en. S'il est devenu un personnage prisé de The Walking Dead, c'est en raison de sa personnalité, qui fait de lui l'un de ces méchants mythiques qu'on adore détester. D'un côté, il déroule toute la panoplie de la brute : il est violent, cynique, sans scrupule. Il est un professionnel de la manipulation. Il est un parasite et un profiteur, qui ne doit son pouvoir qu'au chantage, au racket et à l'extorsion. Il est lubrique, aussi, entretenant un harem qu'il a composé en volant à ses affidés leurs plus belles femmes. Mais de l'autre, il est truculent, quand il part dans ses grands monologues et qu'il use de ce langage si imagé et si alambiqué que ses compagnons peinent parfois à comprendre. Aussi, il est rationnel, tout à l'opposé du parfait psychopathe qu'était le Gouverneur, le premier grand ennemi de Rick Grimes.

Comme Rick, Negan est aussi plus ambigu qu'il n'y parait. Cela se manifeste par quelques mains tendues au héros, et aussi par la relation étrange qui le lie à Carl, le fils de Rick. Il entretient pour lui une sollicitude, une sorte d'attachement paternel, malheureusement pour lui à sens unique. Cette sympathie filiale, cette indulgence (il pardonnera à Carl d'avoir mitraillé à l'arme lourde plusieurs de ses hommes) manquera d'ailleurs de provoquer sa perte. Cet enfant endurci par les événements (que l'on voit passer dans ce livre à l'adolescence) est peut-être la seule vraie chose qu'il envie à Rick, et l'un des éléments qui met du sel dans la relation conflictuelle mais complexe qu'entretiennent les deux chefs, une relation d'un genre que, jamais, ô grand jamais, on retrouvera déployée avec tant de subtilité dans un soap opera.

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