La suite de Manesh, l'une des œuvres les plus satisfaisantes et originales que la fantasy francophone nous ait offertes, en est proche à bien des égards. Avec elle, Stefan Platteau continue de nous conter les aventures de cet équipage en quête d'un oracle, le Roi-Diseur, qui pour la mener à bien doit remonter un fleuve sacré au cœur d'une mystérieuse forêt boréale. Et en parallèle de ce récit, un membre de cette compagnie dévoile une fois encore son lourd passé. Il nous conte une histoire personnelle où des situations réalistes, voire triviales, se mêlent sans accroc à tout un univers mythologique. Cette fois-ci, après Manesh le bâtard, le fils d'une humaine et d'un géant solaire, c'est au tour de Shakti, la courtisane, la seule femme embarquée dans cette assemblée, de dévoiler ses secrets.

STEFAN PLATTEAU - Shakti

Cette suite, toutefois, présente des différences sensibles avec le premier livre. Tout d'abord, elle est plus courte, ce qui efface quelque peu cette grande caractéristique de Manesh, celle qui était à la fois son atout et sa limite : sa narration lente, sa dimension contemplative. Avec Shakti, l'action est plus présente, le rythme est plus rapide, la tension plus palpable, en tout cas dans cette première moitié qui reprend l'histoire là où l'avait laissée la conclusion du précédent tome : avec la traque de nos héros par les maléfiques Nendous. Le début de ce second volume des Sentiers des Astres est en effet consacré tout entier à une longue course-poursuite dans la forêt, entre notre équipage désormais privé de capitaine et de bateau, et ces terribles ennemis mythologiques issus du fond des âges.

Le récit est alors prenant, stressant, tendu. La chasse nous est décrite de manière haletante, avec moult batailles et rebondissements. Le suspens est là. Il n'y a aucune certitude sur son issue, d'autant plus qu'un nouveau développement vient enrichir l'intrigue : en plus de Manesh, dont avait été révélée l'appartenance à un camp ennemi, il y aurait un traitre dans la compagnie qui s'était lancée à la recherche du Roi-Diseur. Fintan, le principal narrateur, cherche alors à découvrir l'identité de cette taupe, ce qui double le récit d'une dimension quasi policière.

Cependant, à mitan, au moment où nos héros font une halte chez l'exotique peuple des Teules, tout s'arrête. Alors que le livre précédent passait sans cesse d'une intrigue à l'autre, celui-ci change abruptement de récit, pour laisser à la mystérieuse Shakti le soin de raconter sa propre histoire. Celle-ci se déroule sous d'autres cieux et dans un autre contexte que l'expédition. Arrivé à ce point du Sentier des Astres, il faut changer totalement de direction, et s'immerger dans un nouveau récit, avec de nouveaux personnages, de nouveaux lieux, et même une autre mythologie : les géants solaires et lunaires du tome d'avant sont troqués pour des esprits et une ourse enragée.

Ce récit n'est pas inintéressant, il est même plus rythmé que celui de Manesh. Quant aux personnages de Platteau, ils se montrent toujours aussi ambigus : Shakti est une gentille fille tentée par le péché, sa mère une souveraine sage mais prompte à la boisson et à la luxure, son compagnon Meijo un jeune garçon plein d'allant mais arrogant et faillible. Quant à l'ourse malveillante, elle est un être en souffrance. Mais il manque quelque chose, le livre ne vient pas au bout des choses. Il s'interrompt en plein milieu, de manière abrupte et précipitée, comme s'il se pliait à la vilaine habitude des éditeurs français de fantasy anglophone : pour des raisons commerciales, découper en rondelles des volumes destinés à être lus d'une traite. C'est sans doute le cas puisque le troisième tome intitulé Meijo (l'amant de Shakti, absent de l'expédition), nous promet de livrer le terme du récit de la courtisane. C'est avec lui qu'il faudra décider si Platteau confirme avec la suite des Sentiers des Astres, l'excellence du premier tome.

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