Plusieurs années que j’avais Le Baron Perché sous le nez, bien en place dans la bibliothèque familiale. Mais rien à faire, aucune envie de le lire jusqu’ici. Trop livre pour classe de quatrième me semblait-il. Non mais des fois, on se met de ces conneries dans la tête...
Seuil :: 1957/1960 :: acheter ce livre
Traduit de l'italien par Juliette Bertrand
Parce qu’on lui sert pour la énième fois un répugnant plat d’escargots, le jeune fils d’un hobereau italien quitte la table familiale et grimpe aux arbres. De toute sa vie, Côme de Rondeau n’en descendra plus. Il deviendra le baron perché d’Ombreuse, personnalité connue dans l’Europe entière pour son extravagance. Et il traversera une série d’aventures plus insolites les unes que les autres. Un jour, il s’acoquine à un bandit de grand chemin qui grâce à lui s’adonne à la lecture et abandonne ses méfaits. Un autre, il rejoint une colonie d’exilés espagnols, contraints de vivre comme lui sur les branches des arbres. De sa vigie, il mène une bataille contre des pirates maures. En équilibre sur un drap étendu, il mène un duel contre un ennemi jésuite. Et il se livre aussi à une forme sylvestre de libertinage avant de vivre sa véritable histoire d’amour.
Côme de Rondeau n’est pas la seule personne étrange de ce roman. On y rencontre aussi sa sœur Baptiste et ses lubies culinaires, son père convaincu de devenir duc et persuadé d’être la victime d’un complot des Jésuites, sa mère fille de général allemand qui rêve d’armées et de campagnes, son oncle à demi Ottoman passionné d’apiculture et d’hydraulique, un vieil abbé janséniste gagné par les idées nouvelles et d’autres encore. Seul personnage ordinaire dans l’entourage du baron, son frère, à qui il revient naturellement de devenir le narrateur du roman.
Mais Le Baron Perché n’est pas seulement la biographie d’un personnage rocambolesque. Rédigé sur le mode du conte philosophique du XVIIIème siècle, c’est aussi l’histoire des Lumières et de la Révolution Française, vue des arbres et de Ligurie. L’évolution de Côme est parallèle à celle des idées nouvelles. Sa vie sylvestre commence en plein âge des Lumières, son apogée coïncide avec l’extension de la Révolution en Italie et le baron décline avec la Restauration. Il est d’ailleurs largement acquis aux idées des Lumières. Du haut de son perchoir, il correspond avec les grands philosophes du temps, intéresse Voltaire, devient brièvement franc-maçon, mène la révolte des citoyens d’Ombreuse contre la dîme, appuie les troupes françaises et finit par rencontrer Napoléon (tout comme le Prince André de Guerre et Paix une fois l’Empereur français défait !).
Calvino ne met pas en scène un ermite ou un trappiste. Son héros ne cesse d’intervenir sur son époque, de prendre part aux combats du temps. La vie des autres et leur comportement à son égard l’intéressent. Il n’est pas insensible non plus aux réactions suscitées par son idée fixe de ne jamais toucher terre. Le baron ne se retire jamais vraiment du monde, il ne renonce pas à le changer. Il souhaite juste s’affranchir de ses convenances et rester en toutes circonstances un libre-penseur, un libre acteur de son temps.
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