La Cavale du Géomètre est un bon livre, mais un Paasilinna moyen. Par-delà les situations loufoques qu’il se plait depuis toujours à mettre en scène, le Finlandais avait cette fois peu de choses à dire.
Denoël :: 1995 / 1998 :: acheter ce livre
C’est entendu. Depuis Le Lièvre de Vatanen, le livre qui l’a révélé, Paasilinna n’a fait que raconter toujours la même histoire. Celle d’un homme qui, un jour, à l’occasion d’un événement à mi-chemin du singulier et de l’anodin, bascule hors de la normalité et découvre que, finalement, ce n’est pas si mal d’être un marginal ou un fou. Le premier personnage mis en scène dans La Cavale du Géomètre ne fait pas exception. L’aventure de ce chauffeur de taxi commence comme celle de Vatanen, en voiture, même si c’est un vieux monsieur amnésique qui vient fortuitement perturber le cours de sa vie, au lieu d’un simple lièvre. Qui plus est, ce héros est un récidiviste, vu qu’il est aussi l’un des personnages secondaires de Petits Suicides entre Amis, l’un des romans les plus jubilatoires du truculent écrivain finlandais.
La Cavale du Géomètre nous embarque dans de longues vacances improbables dans les marais d'Ostrobotnie en compagnie d’une ribambelle d’originaux. D’abord, il y a le vieil amnésique, le géomètre en question, un vétéran de la guerre contre les Soviétiques haut en couleur et totalement gâteux. Puis l’un de ses vieux amis, un autre soldat reconverti en fermier alcoolique et pyromane, à peu près aussi fou que lui. Ou encore deux ressortissants des Balkans venus s’inspirer en Finlande de l’architecture des hôtels occidentaux. Et toute une bande de Françaises un peu niaises adeptes du retour à la nature. Sans oublier des personnages plus passagers, comme ce monsieur à qui vient l’idée saugrenue de planquer son sac d’oignons dans un char de la Seconde Guerre Mondiale, et quelques animaux, ici un sanglier, là des taureaux, qui traversent des aventures aussi loufoques que celles des hommes.
Tout cela donne lieu bien entendu à de nombreuses situations cocasses et à quelques fous rires, des vrais, du genre à vous ridiculiser dans le métro et à vous faire lâcher votre livre. Toutefois, La Cavale du Géomètre n’est pas le meilleur roman de Paasilinna. L’histoire y est linéaire, le ton homogène, l’intrigue nulle. Vu la saveur des ingrédients jetés dans la marmite, le Finlandais aurait pu en tirer bien meilleur profit. Mais il n’exploite pas au mieux le potentiel comique de la situation, en particulier dans ces dernières pages qui s’avèrent frustrantes et vite torchées, avec ses vaudevilles avortés et ce retour rapide de chaque personnage dans ses foyers. Le récit se perd aussi dans de longues descriptions laborieuses et sans saveur, par exemple quand il détaille la destruction par le vieux fermier de sa propre exploitation, avec l’assistance du vieux géomètre dément.
Des grands thèmes apparaissent en filigrane, par exemple ce que la guerre fait des hommes, l'absurdité des politiques agricoles, les drames de la sénilité, mais de façon fugace, sans le talent avec lequel le sujet grave du suicide est traité, par exemple, dans Petits Suicides entre Amis. La Cavale du Géomètre est fait comme les autres romans de Paasilinna, sur un ton enjoué et avec optimisme. Et à ce titre, sa lecture ne peut être que réjouissante. Il semble pourtant que cette fois, le Finlandais ait écrit avant tout par automatisme ou réflexe, et qu'il n’ait pas trouvé grand chose à dire.
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