C’était il y a longtemps, dans une émission télévisée quelconque, dédiée au féminisme ou à un sujet approchant. Un couple de lesbiennes y expliquait son projet : fatiguées de voir le cinéma pornographique ne mettre en scène que les fantasmes des hommes, elles avaient voulu tourner leur propre film de cul, destiné à un public de femmes. Forcément, comme nous étions encore tôt en soirée sur une grande chaine hertzienne, nous n’avions pas eu le privilège de voir comment se concrétisait un tel dessein : l’émission ne nous permettrait pas de satisfaire cette curiosité toute masculine pour la sexualité des femmes. Mais d’autres s’en sont chargés. L’écrivain Louis Calaferte notamment, dont le court ouvrage destiné à nous faire comprendre la mécanique des femmes, leur fonctionnement intime, leurs propres fantasmes, la logique interne de leur sexualité, a intéressé assez de gens pour devenir un succès populaire et pour bénéficier d’une adaptation cinématographique (médiocre), par Jérôme de Missolz.
Dans ce qui fut l’un de ses ultimes livres avant sa mort, l’auteur de Septentrion accumulait par dizaines divers saynètes, dialogues, images, vers, lettres et pensées qui mettaient en scène des manifestations diverses de la sexualité des femmes. De manière crue et obscène, mais admirablement écrite, l’auteur illustrait leurs désirs d’hommes, de bites et de foutre. Il détaillait leurs fantaisies sexuelles, il présentait leurs perversions et leurs envies subites, flirtant parfois avec l’homosexualité, la pédophilie ou l’inceste. Il les montrait à tout âge, de l’adolescente qui se touche ou qui rencontre des messieurs, à la vieille qui suce, avec sa complicité, les amants de sa fille.
Et le plus troublant, quand bien même l'on est un homme, c’est que tout cela nous apparait crédible. Le point de vue du livre, en effet, est différent de celui qui domine l'érotisme et la pornographie en libre accès à notre époque. Le corps rêvé, c’est cette fois celui de l’homme. La cible, c’est son sexe et sa semence, la femme s’en décrit comme le réceptacle. Le ton n’est pas celui, cliché, de la fausse pudeur, ou au contraire celui tout aussi stéréotypé de la femme-objet. Les femmes que Calaferte nous présente sont actrices de leur sexualité, elles en édictent les règles.
Alors que la sexualité féminine reste une inconnue pour les hommes, Louis Calaferte semble en donner la clé. Il explique pour de bon le fonctionnement intime du deuxième sexe. Mais il est surprenant que ce soit un homme qui se colle à cette tâche délicate. Quelle légitimité l’auteur a-t-il donc pour prétendre parler de leur intimité au nom des femmes ? Une imagination fertile, un vécu conséquent, de la pratique, des témoignages précieux recueillis, par exemple, dans le creux de l’oreiller ? Quelle que soit la réponse, on se demandera toujours s’il nous dit la vérité, s’il est digne de foi, ou si la mécanique des femmes doit rester pour de bon, éternellement, un mystère pour l’homme.
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