10-18 :: 2006 :: vivianemoore.com :: acheter ce livre
Inutile d'avancer masqué, usons de la première personne et précisons tout de suite l'intérêt personnel que j'avais à me plonger dans un tel roman : ce premier tome de la saga de Tancrède le Normand de Sicile se passe en effet chez moi, dans des lieux que je connais par cœur, là même où j'ai grandi, sur cette côte ouest et battue par les vents de la presqu'île du Cotentin, en bordure de la Lande de Lessay, autour de ce château de Pirou qui est, aujourd'hui, paraît-il, la plus vieille forteresse médiévale encore debout en Normandie.
Mais la familiarité des noms et des paysages décrits par la romancière ne sont pas le seul atout de ce livre. Si Vivianne Moore est éditée dans la prestigieuse collection Grands Détective de 10-18, et si elle connaît un large succès public, c'est parce qu'elle a démontré une grande facilité à ficeler d'adroites intrigues policières, ce dont témoigne encore ce Peuple du Vent, un roman maitrisant au mieux toutes les arcanes du genre : mystères, fausses pistes, actions et rebondissements, secrets inavouables, drames familiaux et passionnels, graves périls, et, in fine, révélation théâtrale du nom du coupable en présence des principaux suspects.
Le Peuple du Vent est donc un polar médiéval, sur le modèle du Nom de la Rose. La comparaison avec le fameux roman est d'autant plus juste que le duo d'enquêteur mis en scène par Moore, l'érudit oriental Hugues de Tarse et son disciple Tancrède, se montrent extrêmement proches, tant par leurs personnalités que par leurs méthodes d'investigation, des Guillaume de Baskerville et Adso de Melk imaginés par Umberto Eco.
Cependant, l'ombre de Sherlock Holmes est ici encore plus présente que dans le célèbre roman de l'Italien. Avec des descriptions d'une lande venteuse et traitresse, avec cette ambiance mortuaire qui domine toute l'histoire, et en flirtant avec le surnaturel avec ces évocations de la Dame Blanche et des goubelins, Le Peuple du Vent n'est pas sans évoquer Le Chien des Baskerville. Ou encore, en sortant du domaine policier, L'Ensorcelée de Barbey d'Aurevilly, dont l'histoire se déroule strictement au même endroit, dans cette sinistre Lande de Lessay.
Au-delà même de son intrigue, bien gérée mais tout de même parfois prévisible, au-delà de ses personnages attachants, étoffés et crédibles, ou de la façon très didactique qu'elle a de présenter la vie au Moyen-Âge, c'est précisément par l'atmosphère dont elle imprègne son récit que l'écrivaine se distingue le mieux. Bien que Vivianne Moore, née à Hong-Kong, ne soit pas normande, elle restitue au mieux l'impression laissée par ce bout de terre ouvert à toutes les tempêtes, cette contrée où les derniers contreforts du Massif Armoricain viennent mourir dans un paysage de dunes, de landes et de marais, et qui s'étale tout au long d'une mer omniprésente. Quoique le Cotentin de l'époque ait été infiniment plus sauvage, dangereux et froid que celui d'aujourd'hui, on s'y croirait. Et c'est un autochtone qui vous l'affirme.
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