Avec Arto Paasilinna, de plus en plus, on approche du fond de la mine, on racle les fonds de tiroir. Les derniers livres traduits en français de l'auteur finlandais ne sont pas, en effet, aussi exaltants que ceux d'avant. C'est le cas de ce Sang Chaud, Nerfs d'Acier, par exemple, écrit en 2006 et rendu disponible en notre langue en 2010, l'un des plus faibles et des plus feignants, incontestablement, de sa conséquente bibliographie.
Denoël :: 2006 / 2010 :: acheter ce livre
Traduit du Finnois par Anne Colin du Terrail
Pourtant, ça s'annonçait plutôt bien. Ce livre voulait nous raconter le destin d'un homme haut en couleur ayant connu tout le XXème siècle finlandais, auquel une devineresse avait promis une existence extraordinaire et une fin heureuse. On était en droit d'espérer une grande fresque historique, une sorte de Cent Ans de Solitude (ou de Beaux Seins, Belles Fesses, pour citer un auteur récemment distingué) en version finnoise, rédigé dans le style quasi-rabelaisien de Paasilinna. Et en fait, c'est un peu ça. Mais en passablement raté.
Et en arrière plan, ce sont bien les événements et les tragédies du siècle passé qui défilent : la prohibition (qui ne fut donc pas une exclusivité américaine), les poussées fasciste et communiste, les guerres, russo-finlandaises ou mondiales, l'ère sociale-démocrate et l'ouverture de la Finlande au monde, quand la fille du héros lui ramène un gendre africain. Sans arrêt, la petite histoire se mêle à la grande, par exemple, quand la Studebaker de la famille dont le livre raconte l'histoire se retrouve entre les mains du maréchal Mannerheim, le grand homme finlandais du XXème siècle, ou quand le héros de l'histoire, un industriel de centre-gauche, se voit proposer un poste ministériel.
L'auteur, à travers ses personnages, nous délivre un guide de survie au milieu de ces tourments. Il nous présente sa morale habituelle, faite d'un mélange d'indifférence aux hommes et à leurs folies, et d'indulgence et de bonté à leur égard. Ces principes où se mêlent égoïsme et philanthropie, calcul et spontanéité, Paasilinna les expose même tels quels, quand le père d'Anti Kokkoluoto, ce fameux héros au sang chaud mais aux nerfs d'acier, lui expose les secrets d'une réussite dans le brave métier de commerçant.
Cela aurait pu être bien, donc. Mais ça ne l'est pas. Pas du tout, même. La faute à une intrigue linéaire et sans grand rebondissement ; à une sale impression de déjà-vu avec chaque personnage, dont tous ont au moins un alter-ego dans le reste de l'œuvre du Finlandais ; à la fausse surprise de la fin ; au manque d'imagination dans les rituelles situations cocasses qu'affectionne Arto Paasilinna ; à la relative rareté de ces dernières ; à la présence, au contraire, de ces insupportables considérations logistiques dont l'écrivain finlandais est friand, par exemple quand il nous décrit les rouages d'un réseau de contrebande d'alcool, ou les détails de l'organisation de la fête mortuaire d'Anti.
Il faut être un mordu, un acharné, un fan absolu d'Arto Paasilinna, pour espérer trouver son compte dans ce Sang Chaud, Nerfs d'Acier. Pour ceux qui ne le sont pas, mieux vaut zapper celui-ci, et découvrir ou redécouvrir ces vrais bons livres, drôles, réjouissants et rafraichissants, que sont Le Lièvre de Vatanen ou Petits Suicides entre Amis.
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