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ROBERT JORDAN & BRANDON SANDERSON - Towers of Midnight

Fantasy

ROBERT JORDAN & BRANDON SANDERSON - Towers Of Midnight

La fin approche. Après des pages et des pages où la saga de La Roue du Temps semblait ne plus avoir de conclusion, nous y sommes presque. Towers of Midnight, en effet, est le pénultième livre de la série fleuve, le tout dernier publié avant le volume du dénouement, A Memory of Light, repoussé à janvier 2013. L'apothéose pointe son nez. Au terme de ces 900 nouvelles pages, nous sommes à l'aube même de la confrontation décisive tant annoncée.

ROBERT JORDAN & BRANDON SANDERSON - Towers of Midnight

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Tarmon Gai'don, cette Ultime Bataille qui nous est promise depuis le début de la série, a même déjà commencé. Le livre s'ouvre d'ailleurs sur l'invasion des royaumes du Nord par des cohortes de trollocs, et il nous conte les derniers préparatifs avant l'apex de ce conflit qui promet d'être cataclysmique. Dans le volume précédent, deux des héros, Rand et Egwene, avaient déjà réglé quelques gros problèmes, histoire d'être fin prêts pour le combat. Cette fois, c'est au tour d'Elayne, Mat et Perrin de se mettre en condition. Comme Rand lui-même le dit, c'est la guerre maintenant, il en est fini des intrigues d'avant :

The time for hiding is past (...). It is war, not subterfuge, that turns the day now (p. 213).

Sanderson revient même en arrière, pour nous relater ce qui est arrivé dans le camp de Perrin avant les événements contés dans The Gathering Storm. Ce retour dans le temps est par moments déconcertant, le livre racontant en parallèle des intrigues qui prennent place en des temps différents, mais cela n'est pas bien grave. On lui pardonne, puisqu'en accélérant l'intrigue, comme il l'avait fait dès après avoir succédé à Robert Jordan, désormais décédé, l'auteur redonne du souffle et de l'allant à une histoire qui s'enlisait salement.

Enfin, il se passe quelque chose. Quelques prophéties annoncées de longue date se réalisent, Rand fusionnant pour de bon avec Lews Therin, Mat perdant "la moitié de la lumière du monde", Moiraine étant secourue. Des mystères qui couraient depuis de nombreux volumes sont éclaircis. A la toute fin du livre, par exemple, on devine enfin, presque par accident, qui a tué Asmodean dans le cinquième tome. Pour la première fois depuis longtemps, plus une page n'est éprouvante à lire, presque toutes se dévorent avec plaisir.

Le comble, cependant, c'est qu'on regretterait presque, par instants, le rythme lent qui était celui de Jordan dans les derniers volumes publiés avant sa mort. Avant, ça trainait, ça flirtait dangereusement avec le vide, ça confinait à l'ennui, certes. Mais maintenant, même si ce livre est encore très épais et qu'on y trouve parfois du remplissage, notamment quand nous sont contées les aventures d'Elayne, ça va souvent trop vite, comme si Sanderson était pressé d'en finir. Et cette accélération se fait parfois au prix de la subtilité.

Par exemple, la facilité avec laquelle les Whitecloaks se rallient à Perrin a quelque chose de surprenant et de frustrant, tout autant que leur acceptation d'une alliance momentanée avec les Aes Sedai, qu'ils considéraient autrefois comme des sorcières au service du Dark One. Que Galad, leur nouveau chef, soit plus intelligent que ses hommes et qu'il sache où se situe son intérêt, soit. Mais comment parvient-il à convaincre si aisément des soldats qu'on nous a toujours dépeints comme particulièrement bornés, fanatiques et lourdauds ?

L'aventure de Mat, Thom et Noal dans la tour de Ghenjei, promise depuis Knife of Dreams, s'avère bien légère, elle aussi. Elle survient à la toute fin, en une poignée de chapitres, comme quelque chose qu'il fallait absolument faire, une case à cocher sans grande conviction dans la to-do list de Sanderson. On s'écarte même de toute vraisemblance quand, après s'être fait arracher un œil, Mat garde les idées claires et qu'il n'a pas l'air de trop s'en faire, refusant même de se faire soigner. Tout juste le voit-on redouter que Tuon le trouve moins beau, maintenant, et se plaindre que ça lui fait quand même très mal.

Et que dire de ces mariages et coups de foudre en rafale ? Thom et Moiraine veulent se marier, sans qu'on sache, comme Mat qui leur pose explicitement la question, d'où sort cet attachement soudain entre le vieux beau et l'une de ces Aes Sedai dont il s'est toujours méfié. Et ils ne sont les seuls à convoler. C'est le cas de Morgase et Tallanvor, aussi, et d'Egwene et Gawin. Quant à la très belle et terre-à-terre Berelain, elle se pâme soudain pour le très beau Galad. Bref, avec ce livre, La Roue du Temps tourne à l'agence matrimoniale.

L'important pour Brandon Sanderson, avec Towers of Midnight, c'est semble-t-il que tout soit prêt pour le bouquet final promis avec A Memory of Light, quitte à prendre la voie rapide et quelques raccourcis à travers champs. Ca a le mérite de rendre le récit à nouveau palpitant. Mais ça simplifie aussi à outrance le savant édifice que Jordan s'était épuisé à monter depuis 20 ans.

L'une des grandes forces de La Roue du Temps, c'était d'avoir respecté l'un des fondamentaux de la vieille fantasy, la lutte du Bien contre le Mal, mais de l'avoir compliqué à l'extrême. Avec Jordan, il y avait bien des gentils et des méchants, mais les deux camps étaient divisés en multiples factions concurrentes, elles-mêmes fragmentées en plusieurs partis. Les Whitecloaks étaient dans le bon camp, mais ils étaient aussi les idiots utiles du Dark One. Et les Forsaken s'affrontaient entre eux, quitte à aider Rand, le Dragon Réincarné, l'ennemi numéro 1 de leur maître, par exemple quand Moridin venait lui prêter main forte à Shadar Logoth, et l'aider à anéantir Sammael.

A la fin de cet avant-dernier tome, cependant, tout est prêt pour une bataille rangée des plus classiques. Les Bons sont tous ensemble ou presque, les Méchants aussi, alignés comme des soldats de plomb. C'est comme si, après que Jordan ait mis le bazar en créant des pelletées de personnages et de situations, Sanderson s'employait à tout ranger en tas. Ainsi s'évaporent quelques uns des ressorts dramatiques de l'intrigue, comme ce côté sombre qui menaçait d'engloutir Rand. Ce dernier était, jusqu'ici, un jeune homme effrayé par sa tâche, écrasé sous le poids effarant des responsabilités, qui les affrontait par l'arrogance. Mais au début de ce livre, on le retrouve sous les traits d'un vieux sage, d'une sorte de Jésus roux ou de Bouddha manchot.

Il lui reste cependant quelques épines dans le pied. Les Seanchan, par exemple, qu'il n'a pas su rallier à sa cause ; ou la Tour Noire, entrainée par son leader, Mazrim Taim, dans quelque jeu trouble. Et les dernières pages, comme du temps du Jordan, apportent des complications qui promettent quelques remous dans l'ultime volume de la série. C'est d'ailleurs tout ce qu'on souhaite : que ce volet ultime honore cette saga ambitieuse en lui offrant une fin plus ambigüe et plus digne qu'une bataille front contre front.

Tout repose sur ces dernières chapitres, et donc sur les épaules de celui qui doit les compléter, Brandon Sanderson. Malgré les 10 000 pages qui ont été écrites avant, l'intérêt final de cette ambitieuse série fleuve dépendra de ce dénouement, que Robert Jordan avait paraît-il ébauché dès la fin des années 80, et que son successeur a promis d'être rien de moins que fantastique.

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