Un moment d'attente, un roman de transition, situé là-même, au cœur du cycle de La Roue du Temps, où l'action se ralentit, où les intrigues se complexifient, sans approcher encore du dénouement. Voici comme se présente The Path of Daggers, huitième volume de la série fleuve. Et de ce fait, sauf pour les mordus et les bibliovores, sauf pour les fans acharnés du monde en grand écran que nous présente l'auteur, cet épisode se montre par moments passablement frustrant, en dépit de sa longueur plus raisonnable (640 pages, contre 1000 pour certains tomes).

ROBERT JORDAN - The Path of Daggers

Il suffit de jeter un œil aux titres des premiers chapitres, "A Pleasant Ride" (une balade agréable), "A Quiet Place" (un endroit tranquille), pour savoir que pas grand-chose ne va se dérouler. Ces parties, en effet, sont consacrées aux échanges interminables entre les compagnons d'Elayne et de Nynaeve, en partance d'Ebou Dar. Certaines discussions portent sur les intrigues et le destin du monde, mais d'autres sont plus triviales. Il y est question des états d'âmes, des relations et de la difficile cohabitation de personnages désormais si nombreux qu'on ne sait plus qui est qui. C'est du remplissage, et sur plus de 100 pages, les plus éprouvantes à lire, à ce stade, de toute la saga.

Autre caractéristique qui rend ce volume moins palpitant : la quasi absence d'apothéose. Ce tome s'achève pourtant par la confrontation rituelle entre Rand al'Thor, le Dragon Réincarné et de redoutables adversaires. Mais cet épisode est très court, s'étalant sur une dizaine de pages et se terminant en queue de poisson, sans victoire ni défaite claire.

Pour compenser, il y a bien un finale intéressant à chacune des intrigues qui traversent le livre. Disposées les unes à la suite des autres, plutôt qu'en parallèle, elles ont toutes un dénouement remarquable : en affrontant les Seanchan, ces envahisseurs venus d'un autre continent, Nynaeve et Elayne découvrent une nouvelle arme terrifiante ; en recherchant Masema le Prophète, Perrin se voit confier la responsabilité d'un nouveau royaume ; Egwene affermit son pouvoir sur les Aes Sedai rebelles. Mais tout cela ne survient qu'à l'issue de disputes et de conciliabules peu spectaculaires. Le souffle épique des premiers volumes, décidément, s'est bel et bien épuisé.

Ou plutôt, il est repoussé à plus tard. Comme l'indique le titre du chapitre final, "Beginnings" (débuts), les ultimes pages ouvrent de nouvelles intrigues plus qu'elles n'en closent de vieilles. Alors survient une pluie d'événements : Rand découvre de nouveaux ennemis ; Elayne parvient à Caemlyn, capitale d'Andor, dont elle réclame la couronne ; dans la Tour Blanche, les Aes Sedai envoyées par Elaida pour démasquer des traîtres font une première prise ; Egwene lance enfin son assaut contre cette même Elaida ; les Forsaken trament quelque nouveau complot ; Perrin parvient auprès du Prophète, qui s'est rapproché des Seanchan ; et sa femme, Faile, se fait enlever par les Shaido.

Avec The Path of Daggers, ce n'est qu'à la fin que l'action s'embraye. Avant, on a presque tout un volume pour rien. A une nuance près, tout de même : car c'est dans ce livre que s'exprime pour de bon, pour la première fois, de la manière la plus patente, l'un des principaux ressorts dramatiques de la série, cette démence qui menace Rand, ainsi que tous les hommes magiciens, les Asha'man. Cette folie, qui couvait depuis le tout début du cycle, se manifeste pendant le seul moment vraiment épique de ce volume, durant ces pages plus palpitantes que le finale, où le héros du cycle s'engage dans une bataille dantesque contre les Seanchan. Pour la première fois, aussi, il échoue, il se montre vulnérable, et il dévoile sa face la plus dure et la plus cruelle. C'est seulement à ce moment, aux deux tiers du livre plutôt qu'à la fin, que l'on retrouve un temps les recettes qui ont fait le succès de La Roue du Temps.

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