Dans la seconde édition de la longue série de romans consacrés au Discoworld, que le regretté Terry Pratchett entreprit dans les années 80, l'auteur anglais assumait plus que jamais ce qui était la caractéristique primordiale de sa grande saga : l'humour. The Light Fantastic était, en quelque sorte, l'amplification de son prédécesseur, The Colour of Magic. Il en reprenait les personnages principaux, le mage raté Rincewind et l'ingénu Twoflowers, qu'il sauvait du sort terrible qui leur avait été réservé dans le premier livre. Il mettait aussi en scène, encore une fois, l'inénarrable bagage sur pattes du second. Et il emmenait à nouveau ces gens dans d'incessantes pérégrinations et mésaventures, en plusieurs endroits du Monde du Disque.
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Quelques autres protagonistes faisaient leur apparition, aussi truculents que les premiers : Cohen le Barbare, un guerrier légendaire, devenu avec le temps un vieillard édenté ; et Bethan, jeune vierge (en fait pas si vierge que ça) sauvée d'un sacrifice druidique. Mais ces nouveaux arrivants ne changeaient rien au contenu du livre, qui était à nouveau une vaste compilation de blagues, de bons mots, d'ironie et de situations cocasses. C'était encore un renversement complet des clichés de la fantasy (les héros y sont grabataires, les mages acariâtres, etc.), avec de nombreux clins d'oeil envers notre propre monde : par exemple, les druides y prennent la forme d'informaticiens bien modernes. Et le francophobe Pratchett n'hésite pas, au détour d'une comparaison, à rappeler que notre pays est connu pour ses vilaines odeurs.
Au début du roman, il semble en fait que l'écrivain anglais ne se soucie même plus de maintenir un semblant d'intrigue. Le premier, The Colour of Magic, prenait au moins l'apparence d'une succession de nouvelles, vaguement reliées par une trame générale. Le commencement de The Light Fantastic, au contraire, n'est qu'une vague course-poursuite, prétexte à une succession incessante de péripéties, qui emmènent Rincewind et Twoflowers de la maison en sucre d'orge d'Hansel et Gretel, au Domaine de la Mort, un personnage déjà très présent dans le volume d'avant (comme dans de nombreux autres de la série). Pourtant, il y a bel et bien une histoire dans ce roman. Et celle-ci prend, en fait, les traits classiques d'un récit de fantasy.
Tout commence quand le Monde du Disque (ou plus précisément A’Tuin, la tortue titanesque qui le porte) se dirige vers une inquiétante étoile rouge. Pour sauver le monde (ou contenter leurs ambitions propres), ses plus grands Mages se mettent en quête du dernier grand sortilège, lequel, il y a de nombreuses années, s'est logé dans la tête de Rincewind. Ils s'engagent donc dans la poursuite mentionnée plus haut, pendant que le monde devient fou à l'approche de l'étoile, et qu'il est livré à des hordes de fanatiques belliqueux.
A mesure que le récit avance, la menace se fait de plus en plus précise, et tout se dénoue par l'une de ces confrontations apocalyptiques, débauche de monstres, de magie et de combats, dont la fantasy est friande. Le pathétique Rincewind y occupe même le rôle de héros salvateur, réglant son compte à des créatures du cauchemar issues directement d'un livre de Lovecraft.
Sauf que, bien sûr, tout cela n'est pas conté par Lovecraft, mais par Pratchett. Et que donc, le supposé héros se bat comme un pied. Qu'il se retrouve pendu comme un perdu au dessus d'un trou béant, à la fin de la confrontation finale. Qu'il récite la formule magique de travers au moment où il doit sauver le monde. Bref, qu'avec Pratchett ce que l'on perd en immersion et en intensité, on le gagne en malice, en sourires, voire en fous rires. Et tout ça au centuple.
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