Justine Niogret appartient à cette génération d'auteurs français, les plus passionnants, qui suivent la tendance générale empruntée par la fantasy anglo-saxonne depuis plusieurs années ou décennies déjà : une tendance toujours plus réaliste, toujours plus sombre, toujours plus ambiguë. Comme eux, aussi, elle accorde une importance manifeste aux formes et à l'écriture, se nourrissant tout autant de la littérature classique que de celles de l'imaginaire. Elle le fait pour le meilleur, mais aussi pour le pire, comme le montre ce premier roman à propos d'une guerrière en quête de ses origines.
Mnémos / J'ai Lu :: 2009 / 2011 :: acheter ce livre
Plus réaliste, Chien du Heaume l'est. Son histoire est plus ancrée que d'autres dans la réalité du monde médiéval. Ce n'est pourtant pas tout à fait notre Moyen-Âge que Justine Niogret met en scène. Les lieux où l'action se déroule sont indéfinis, et les noms des personnages ne suffisent pas à les situer. Son héros, une femme mercenaire, n'a pas un profil courant à cette époque. Son univers mélange quelques traits tardifs (la chevalerie), à d'autres plus anciens (la persistance de cultes celtiques, concurrents du christianisme). Et s'il n'y a pas de magie, quelques passages confinent à l'onirique et à la fantasmagorie.
Mais pour l'essentiel, c'est une histoire terre-à-terre qui nous est contée, fortement ancrée dans le quotidien de l'époque. Elle est sans épopée, sans véritable acte d'héroïsme. Les combats s'y déroulent avec vitesse et brutalité, tuant et mutilant en un instant. Et ils sont rares, tout autant que les autres actions. En vérité, c'est une vie rude dans un château, entre virées guerrières et séjours à la forge, qui nous est relatée, à travers des saisons que le confort moderne était encore bien loin de tempérer. C'est aussi tout un vocabulaire médiéval qui est usité, dont l'auteure nous fournit les définitions en toute fin de livre. Ce sont des mots qui sont vieillis, comme "couille", qui devient "coilles".
Ce qui nous amène à l'autre caractéristique très contemporaine de Chien du Heaume. Soucieux de rendre compte des temps médiévaux, il est sombre, âpre et violent. Ses personnages souffrent mille maux, mille douleurs, physiques, certes, mais pas seulement : ils sont en effet abandonnés, trahis, méprisés. Et leur moralité laisse à désirer. Chien du Heaume, le nom auquel répond la héroïne en l'absence d'une véritable identité, révèle avoir tué son propre père, elle expose la vie d'un bébé pour se protéger, et elle laisse le jeune Iynge massacrer une bande de paysans vicieux, et faire ainsi le deuil de ses aspirations chevaleresque. Même le physique de la mercenaire, petit, gras et balafré, n'a pas grand-chose d'avenant. Seule la camaraderie qui l'unit au chevalier Sanglier et au forgeron Regehir, bâtie autour de la nostalgie pour un monde qui s'éteint, fait figure ici de repère moral et de sentiment positif.
C'est donc un univers particulier que Justine Niogret nous décrit, mais à qui il manque l'essentiel : une histoire. Il y a dans son récit un air d'aléatoire. C'est ainsi que la scène d'ouverture ne trouve aucun écho plus tard dans le livre. Quant à la révélation finale, elle arrive comme un cheveu sur la soupe, et ne révèle au fond pas grand-chose. Car si ce roman semble d'abord prendre la forme d'une quête, il se résume au bout du compte, pour l'essentiel, à un long huis-clos pesant dans un château isolé, où les personnages apparaissent et disparaissent par hasard, comme cet homme, la Salamandre, qui se confronte au protecteur de la mercenaire, Bruec, pour partager avec lui sa morale guerrière, ou bien cette sorte de mage celte apparu pour commenter la scène.
Ce sont des ambiances, davantage qu'une intrigue, qui nous sont exposées, avec pour les instaurer une certaine recherche dans l'écriture. Mais cette préoccupation formelle n'aboutit pas non plus. Le style de Justine Niogret est lourd, pesant et superflu. Il est émaillé de comparaisons ou de métaphores qui tombent à l'eau, des histoires de chien endormi ou je ne sais quoi d'autres, qui ne parlent de rien et à personne. L'ambition est là, elle est la même que pour d'autres auteurs fantasy de sa génération. C'est juste le résultat, qui pèche.