Drôle de film que cet Ad Astra. Du point de vue de la trame narrative, on ne peut pas faire plus simple : un astronaute part à la recherche de son père, un explorateur parti trente ans plus tôt aux confins du système solaire en quête de vie extraterrestre, et dont les lointaines expériences menacent l'ensemble de l'humanité. L'histoire se déroule de manière plutôt linéaire : Roy McBride traverse le système solaire pour retrouver son géniteur, puis il revient sur Terre. Pas d'énigme tarabiscotée, peu de rebondissements, pas de circonvolution complexe comme le cinéma hollywoodien les aime parfois, surtout quand il donne dans la science-fiction. Le dénouement du film est même d'une trivialité confondante : (attention, spoiler) il n'y a aucune trace des aliens que cherchait le père de McBride, qui n'est au bout du compte qu'un vieil homme perdu, un scientifique frustré qui s'est égaré dans sa quête.

JAMES GRAY - Ad Astra

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Cette simplicité, ce dépouillement, ne sont même pas suppléés par la psychologie des protagonistes. Il y en a peu, dans ce film. Roy McBride n'a que de très éphémères compagnons de voyage, que l'on n'a guère le temps de connaître. Tout est centré sur ce seul personnage, interprété de manière chiche par Brad Pitt, et sur sa quête d'un père dont, trop jeune, il a été séparé. A la manière de The Martian (Seul sur Mars), ce film est, pour une bonne partie de son temps, un huis-clos, le face-à-face d'un astronaute avec lui-même. Certes, des péripéties sont là, qui apportent au spectateur un peu d'actions : une course-poursuite en buggy avec des bandits sur la Lune, une attaque de babouins dans une station de recherche, un atterrissage périlleux sur Mars. Mais en vérité, ces événements contribuent assez peu à l'intrigue.

Mais là n'est sans doute ni l'objectif ni l'intérêt du film. Son but, c'est plutôt celui qui est au cœur de la science-fiction : nous donner un aperçu du futur. Les meilleurs moments d'Ad Astra, ce sont une poignée de scènes qui nous parlent de conquête spatiale. Celle, au tout début, où Roy McBride travaille sur une colonne qui relie la Terre à l'espace. Celle qui nous montre une Lune occupée par les humains, qui y ont implanté trivialement leurs restaurants Subway, leur société de consommation, leurs frontières et leurs bandits de grand chemin, et qui y ont tué le rêve spatial. Celle qui nous montre une colonie martienne glauque, cloisonnée dans de sombres bunkers souterrains.

Comme The Martian, ou comme Gravity, Ad Astra s'inscrit dans l'une des tendances dominantes de la science-fiction hollywoodienne, celle d'une hard-science qui, tout à la fois, banalise et ré-enchante la conquête spatiale. Celle qui met en scène un futur possible, mais qui, tout de même, s'accorde quelques libertés avec la science et avec la vraisemblance, pour le plus grand bien du spectacle. Parmi ces dernières, on peut citer la relative facilité avec laquelle Roy McBride, en quelques semaines seulement, rejoint son père (si c'était si simple, pourquoi l'avoir laissé là-bas pendant 30 ans ?) ; ou cette traversée improvisée de la ceinture de Neptune avec un bouclier de fortune.

Plus spectaculaires qu'utiles à l'histoire, ces scènes offrent à Ad Astra quelques-uns de ses temps forts. Car parfois, l'aspect visuel importe plus que le reste. La longue chute du héros au début ; l'aridité sinistre et rouge du paysage martien ; cette chevauchée sur l'astre sélène où McBride goûte de ses doigts à la finesse de la poussière lunaire ; son aventure en solo dans le vide bleu de l'orbite neptunienne. Tout cela nous apporte des moments oniriques et contemplatifs, qui sont une autre qualité de ce film décalé, et néanmoins assez représentatif du cinéma de science-fiction contemporain.