Au palais de Thecel, l'empereur se meurt, et bientôt ses enfants, son héritier Aslander et sa petite sœur, la princesse Moïra, devront assumer un pouvoir auquel ils ne sont pas encore préparés. Ils risquent de devenir le jouet des deux grandes forces qui tirent les ficelles dans l'Empire des Sicles, l'Œcumaîtrise, une société d'érudits qui conseillent les régnants et cherchent à organiser le monde, et un ordre de nonnes guerrières dirigées par la Grande Magèstre. La jeune fille, toutefois, mènera son propre combat, échappant à ceux qui voudraient la contrôler, découvrant par elle-même la véritable nature du monde, et revenant plus puissante sur les lieux du pouvoir et de son enfance.
Cette histoire, celle de princes déshérités qui, au terme d'un exil et d'un parcours initiatique, réclament leur héritage, est un grand classique. On retrouve la même intrigue au cœur de Dune, du Seigneur des anneaux, d'Acacia et de tant et tant d'autres œuvres. Léo Henry, cependant, apporte à tout cela une touche française.
La première particularité de son histoire, c'est que la fin ne prend pas la forme attendue. Qu'Aslander et Moïra ne voudront pas de la couronne qui leur est destinée. Leur projet sera de fuir le trône dans lequel on veut les installer. Plutôt que de défendre ou de restaurer l'empire qu'ils étaient destinés à gouverner, ils en précipiteront la destruction.
L'autre spécificité de ce récit, c'est qu'il nous décrit un monde original et attachant. Ce dernier prend la forme d'un jeu du type othello, dont seuls quelques initiés, ceux de l'Œcumaîtrise notamment, ont la connaissance et maîtrisent les règles. L'univers n'est en fait qu'un immense échiquier, où se confrontent deux mondes distincts.
A Thecel, celui de Moïra, s'oppose celui d'Abacule. L'un est un empire continental très organisé, peuplé d'hommes à la peau brune, les Visages Sombres. L'autre est une vaste mer parsemée d'îles habitées par des Face Pâles aux structures politiques plus lâches. Et ils ont l'un et l'autre leur propre système de magie, le premier reposant sur l'invocation de Puissances, le second sur les murmures par lesquels sont commandés les animaux et les choses.
Ces deux mondes sont séparés, ils s'ignorent l'un l'autre. Parfois, cependant, un retournement s'opère, et une portion de l'un bascule dans l'autre. Quelques-uns ont compris comment passer de l'un à l'autre, et à Thecel, certains s'appliquent à détruire Abacule, jusqu'à ce que la fuite et les actions de Moïra ne contrecarrent leurs plans.
Si le monde de Thecel est attachant, l'intrigue, cependant, fait quelque peu défaut, et ses personnages sont falots.
Le cheminement des pensées de Moïra, par exemple, n'est pas clair. Ses motivations sont floues. Cherche-t-elle seulement à retrouver son frère, ou a-t-elle d'autres intentions ? Quand et pourquoi change-t-elle de projet ? Dans quelle mesure le pouvoir l'intéresse-t-elle ? Quelles sont les visées de la mystérieuse Kai, qui enseigne à Moïra quelques-uns des secrets du palais et du monde ? Qu'advient-il des parents de Donnel, l'amant du prince Aslander ? Pourquoi sa sœur a-t-elle un autre agenda ? Ont-ils seulement la moindre utilité dans cette histoire ?
La morale de l'histoire, c'est qu'il faut choisir la liberté. Que le pouvoir est aliénant, qu'il soit subi ou qu'il soit exercé. Qu'il est pervers. Mais comment l'héroïne arrive-t-elle à cette conclusion ? Et qu'en est-il que tous ces dragons qui ne servent pas à grand-chose, hormis à apporter un peu de spectacle à l'habituelle apothéose finale ?
Tout cela apparaît flou, incertain, incomplet, parcellaire, et ma foi, passablement aléatoire. Pour tout dire, cette histoire qui aurait pu être charmante et originale, semble parfois racontée avec une certaine paresse.
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