Orbit / Bragelonne :: 1993
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Dans The Fires of Heaven, ces défauts sont plus visibles encore. D'abord, Perrin, l'un des trois principaux protagonistes de cette saga, l'un des plus fouillés, psychologiquement parlant, l'un des plus attachants aussi, disparait totalement. On devine que l'auteur prépare un retour retentissant. Il nous donne même quelques indices sur les occupations du jeune forgeron pendant ce temps, via les escapades de Nynaeve dans le monde des rêves. Mais ses aventures, souvent les plus prenantes et les plus épiques, manquent ici.
Pour compenser, un espace plus grand est accordé aux personnages féminins. Mais encore une fois, leurs péripéties ne sont pas aussi exaltantes que celles que traversent Rand, Mat et compagnie. La grande boucle qu'elles effectuent en carrosse, avec une ménagerie, puis en descendant une rivière, semblent écrites avant tout pour sacrifier au politiquement correct et accorder dans le récit autant de place aux femmes qu'aux hommes. Malheureusement, Jordan ne sait plus trop comment noircir toutes ces pages, inventant cette histoire saugrenue d'héroïne du passé tuée dans un rêve pour réapparaître en chair et en os dans le monde réel, engageant ses personnages dans de longs débats sur la profondeur de leurs décolletés ou sur les mérites respectifs des hommes et des femmes, façon Men are from Mars, Women are from Venus.
Par ailleurs, nous atteignons maintenant un stade où, à force d'être confronté à une multiplication incessante de personnages, notre mémoire rencontre ses limites. Dès le premier tome de la série, il était parfois difficile de se repérer entre tous ces Rand, Tam, Mat et Lan qui étaient parmi les principaux héros de l'histoire. Mais à présent qu'ils sont des centaines, oui, des centaines, il n'en est juste plus question. Et Jordan ayant la fâcheuse manie de multiplier les noms aux sonorités similaires, il devient ardu de jongler d'une Verin, à une Alviarin, puis à une Aviendha. Et il s'agit là encore de personnages importants. Quand on passe aux figurants, on ne peut plus que lâcher prise.
Qui plus est, mis à part un ou deux Forsaken (les grands méchants de l'histoire, en VF les Réprouvés) par ci ou par là, ces personnages ne meurent jamais. Ils ne font que s'empiler, s'accumuler, s'ajouter les uns aux autres, sans qu'aucun ne quitte jamais le récit. Ah, si, un, finalement ! Un héros disparait dans ce cinquième livre, un personnage de tout premier plan, dont nous tairons le nom. Mais vu les circonstances, il n'est même pas certain que ce protagoniste essentiel de La Roue du Temps soit véritablement mort…
Quelques uns des nouveaux personnages, cependant, présentent de l'intérêt. C'est le cas d'Asmodean, par exemple, l'un des Forsaken. Devenu, contraint et forcé, l'allié de Rand, il ne cesse de laisser planer le doute sur sa fidélité, et ne sait d'ailleurs sans doute pas lui-même où il en est. Quant au général Davram Bashere, dont il est question régulièrement depuis le tome précédent, mais qui ne fait son entrée qu'à la fin de celui-ci, il a une personnalité prometteuse, que l'on a envie de voir développée dans les épisodes futurs.
The Fires of Heaven a des défauts, il est moins haletant que ses prédécesseurs, mais il a malgré tout quelques grands moments. La bataille de Cairhien est un bon exemple. Dans chaque tome précédent, il y avait déjà eu de grandes confrontations. Entre l'armée de Shienar et celle du Dark One dans le premier, avec les Whitecloacks et les envahisseurs Seanchan dans le second, avec la prise de la forteresse de Tear dans le troisième, entre les braves gens des Deux Rivières et des trollocs dans le quatrième. Mais cette fois, avec cet affrontement se doublant d'un siège, engageant les armées de trois nations, dont deux en guerre civile, et des combattants par dizaines de milliers, les choses sérieuses commencent, le souffle épique de ce cycle fleuve atteint une force inégalée. Ce qui, après pas loin de 4000 pages déjà globalement passionnantes, est toute de même une belle prouesse.
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