Orbit / Bragelonne :: 1990
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Les principaux protagonistes sont les mêmes qu’avant. Il s’agit de ces villageois destinés à devenir des héros mythiques et à tenir entre leurs mains l’avenir du monde. Comme souvent en fantasy, l’auteur propulse dans un monde de légendes des jeunes gens qui ressemblent à ses contemporains, à son public. Rand, Mat, Perrin, Egwene et Nynaeve, en effet, n’ont rien de fermiers médiévaux. Ce sont plutôt de braves garçons et filles, qu’on arrache à leur corps défendant au confort de leur Midwest natal, pour combattre des ennemis coriaces dans quelque Vietnam incompréhensible. Tout, dans la mentalité des héros, pudeur, obstination, sens du devoir, évoque les valeurs du jeune Américain moderne. Jusqu’à cette propension à saluer ses amis par d’affectueux hugs. Même la géographie évoque l’Amérique. Edmond’s Field est un village peuplé de braves gens, situé dans une contrée tranquille, elle-même placée au cœur du monde connu, mais isolée par des rivières et de hautes montagnes. Les autres pays se distinguent par des accoutrements, coupes de cheveux et mœurs exotiques, mais ils sont pour l'essentiel connus et cartographiés. Et une langue universelle permet à tous de se comprendre.
Cependant, à partir de ce second volume, La Roue du Temps prend de l’ampleur, le périmètre s’élargit. Dans le premier tome, l’action était centrée sur les huit personnages qui fuyaient les créatures de Shai’tan. Mais à présent, le monde en lui-même devient un protagoniste. Jordan nous détaille plus profondément les ressorts de plusieurs sociétés : celle du pays de Cairhien, animé tout entier par les intrigues et les complots de ses puissants ; celle des Seanchan, ces envahisseurs venus des mers, descendants d’une armée envoyée au-delà de l’océan de nombreux siècles auparavant. Il nous dévoile quelques unes des arcanes des Aes Sedai, cette société de magiciennes suspectée de tirer les ficelles derrière les grands du monde. Il nous décrit plus en détail le fonctionnement de cet ordre de templiers fanatiques que sont les Children of Light. C’est seulement maintenant, que Jordan déploie son imagination, qu’il dévoile ses idées propres, comme celle de ces magiciennes asservies pour devenir de puissantes armes de guerre.
A partir de ce second volume, aussi, l’intrigue n’épouse plus celle du Seigneur des Anneaux. Dans The Eye of the World, on trouvait la même séparation entre héros surpuissants (la magicienne Moiraine, le guerrier Lan) et personnages normaux (les cinq villageois d’Edmond’s Field) que dans la grande œuvre de Tolkien. Dans The Great Hunt, en revanche, cette distinction s’efface. Les fuyards d’autrefois développent des talents d’exception. Ils commencent eux aussi à entrer dans la sphère légendaire. Dans l’ouvrage précédent, Rand al’Thor était Frodo. Maintenant, il devient à la fois Gandalf et Aragorn. Cette transformation, c’est le cœur de l’ouvrage, l’essentiel du propos, et ce à quoi l’auteur excelle. Avec adresse, il nous décrit le processus psychologique par lequel le jeune homme devient par nécessité le Dragon Réincarné, le sauveur annoncé par la légende, à la fois libérateur et fossoyeur du monde. Il nous explique comment Rand passe du déni à l’acceptation de son destin, comment il revêt cet habit qui semblait trop grand pour lui. Et bien sûr, ce nouveau statut ressemble davantage à un début qu’à une fin, ouvrant la voie aux nombreux autres volumes qui composent ce cycle fleuve.
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