Orbit / Bragelonne :: 1996
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Cette fois encore, tout se termine par un duel à mort entre le Dragon Réincarné et l'un des Forsaken, auquel se mêlent, de manière trouble, une troisième force. A nouveau, un royaume s'ajoute à la liste des conquêtes de notre héros, qui lui est attribué presque sans coup férir. Et l'apothéose rituelle se déroule dans un lieu désormais familier, où Rand met les pieds pour rien de moins que la troisième fois. On a le sentiment que l'auteur s'est senti obligé d'écrire une nouvelle fin mouvementée, mais que le cœur n'y était qu'à moitié. Non seulement l'affrontement final est-il rapide et vite envoyé, mais il arrive aussi comme un cheveu sur la soupe. Rien, ou peu, y a préparé le lecteur dans les chapitres précédents, à moins de remonter 1000 pages en arrière.
Il y a donc de quoi perdre le fil, d'autant plus que le récit se fait de plus en plus chaotique, et que les aventures traversées par les héros semblent ne plus avoir de but, ou alors à très long terme. Dans A Crown of Swords, se déroule pourtant une quête, en parallèle des aventures de Rand, celle de la Coupe des Vents, entamée par Elayne, Nynaeve, Mat, Aviendha et d'autres dans le livre précédent, et prenant place dans la cité glauque d'Ebou Dar. Mais son dénouement, là encore, se montre passablement paresseux et frustrant.
Certains passages sont encore captivants. Au début par exemple, quand le héros fait son retour à Cairhien et qu'il découvre une usurpatrice sur le trône, la tension dramatique est à son comble. Mais ensuite, beaucoup d'autres chapitres ne sont plus que du remplissage, la palme revenant à cet épisode grotesque où Mat se fait littéralement violer par Tylin, reine d'Altara, avant de décider que, finalement, c'était bien sympa de se faire agresser... Curieux, de la part d'un auteur qui partout ailleurs, se veut politiquement correct à l'excès.
Dorénavant, toutefois, Robert Jordan cesse d'alimenter le récit en nouveaux intervenants. Ou tout du moins, il le fait à dose raisonnable, permettant au lecteur de les digérer, de s'en souvenir, de garder ses marques. De plus, ces nouveaux protagonistes se montrent plutôt attachants et hauts en couleur, à l'image de Cadsuane, une Aes Sedai de légende tout juste sortie de sa retraite, ou du Kin, une société secrète de magiciennes exclues de la Tour Blanche. Pour le reste, ce ne sont plus que de vieilles connaissances qui interviennent : le maléfique Padan Fain et la néfaste entité Mashadar, ou les envahisseurs Seanchan, qui se lancent dans une violente contre-attaque.
Le jeu d'échecs que nous présente Jordan demeure complexe, plusieurs mystères demeurent sans réponse : qui donc a tué Asmodean ? Qui sont ces nouveaux Forsaken qui font leur apparition ? Rand devient-il fou, ou la voix qu'il entend est-elle bien celle de Lews Therin, l'homme dont il est la réincarnation ? Pourquoi le Dark One semble-t-il décidé à le laisser régner sur le monde ? Mais au moins, cette fois, l'échiquier cesse de s'agrandir, les pièces ne se multiplient plus. Il ne reste plus qu'à embrasser tout cela d'un regard, et à attendre que le faisceau d'intrigues que nous présente Jordan finisse par atteindre son dénouement et à devenir pleinement intelligible.
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