Orbit / Bragelonne :: 1994
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Mais si, pour certains, l’impression d’enlisement est encore plus forte, c’est peut-être pour la raison suivante : désormais, il n’y a plus d'objectif précis, plus de quête qui maintient le lecteur en haleine. Avec The Eye of the World, l’objectif des personnages était clair, ils devaient échapper aux sbires de Shai’tan et parvenir sans encombre à Tar Valon. Il fallait remettre la main sur le Cor de Valère dans The Great Hunt et conquérir la forteresse de Tear dans The Dragon Reborn. Si l’action peinait à démarrer dans The Shadow Rising, ce début poussif était compensé par la poursuite de trois objectifs parallèles : la libération des Deux Rivières, la recherche de l’angreal qui menaçait d’asservir Rand, le Dragon Réincarné, et la lutte de ce dernier pour se faire reconnaître comme chef par les Aiels. Enfin, on suivait dans The Fires of Heaven la conquête par le héros principal des pays de Cairhien et d’Andor.
Dans le sixième volume, cependant, on n'est plus en mesure de résumer l’intrigue. On constate que Rand se prépare à attaquer le Forsaken Sammael, mais on n’est pas bien sûr que le conflit prendra place dans ce livre. On le voit affuter ses armes en vue de la bataille finale contre Shai’tan, mais on se doute qu'elle ne surviendra pas avant les tout derniers volumes de ce cycle fleuve. Même chose encore concernant sa lutte contre la démence qui le menace, mais qui ne devrait pas l’emporter avant longtemps. Maintenant que Rand est à la tête de quatre nations, le récit se résume à une longue suite d’audiences et d’entretiens avec les puissants du monde, des rois, des nobles, des magiciennes, des savants, des soldats, et d’autres encore. L’histoire se santa-barbarise, elle se plus-belle-la-vie, avec une succession désordonnée de saynètes entre les personnages principaux, donnant raison aux titres de l’ouvrage : le chaos règne, la confusion domine, jusque dans l’intrigue.
Plusieurs événements importants ont lieu, pourtant : la fondation par Rand de la Tour Noire, cette école pour Asha’man, magiciens mâles dont l’existence a été bannie depuis le dernier Âge ; la montée en grade des personnages féminins ; la levée d’armées entières ; les prémices d’une nouvelle invasion des Seanchan, ce peuple venu de l’autre bord de l’océan ; l’irruption de Shai’tan lui-même dans le récit ; et l’apparition mystérieuse de nouveaux Forsaken (forcément, avec 7 morts sur 13 sur les 6 volumes précédents, il était temps de renouveler le stock pour tenir jusqu’à la fin du cycle). Rien de cela, cependant, n’a encore un impact crucial sur le déroulé de l’histoire.
Il y a aussi, comme attendu, une apothéose, un bouquet final particulièrement corsé et spectaculaire (jetez un œil à la couverture de la version numérique, ci-dessus, pour en avoir un aperçu). Mais l’action qui mène à cette scène ne démarre vraiment qu’à la page 907 (sur 1007 !). Et si, du côté des héroïnes, Nynaeve, Elayne, Aviendha et Birgitte, une nouvelle quête s’annonce, elle n'est entamée qu’aux deux tiers de l’ouvrage, et ne s’y achève pas. Car désormais, La Roue du Temps n’est plus une suite d’épisodes distincts les uns des autres, mais une seule et même histoire, un seul et unique livre divisé en tomes par simple commodité, une seule intrigue qui espère nous tenir en haleine jusqu’à son terme, après un marathon de plus de 10 000 pages.
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