TOR Fantasy / J'ai Lu :: 1996 / 2016
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Grâce à lui, on en sait un peu plus sur des événements qui n'avaient été qu'évoqués dans le précédent livre : les conditions oppressantes du siège, la scission de la Compagnie en deux factions antagonistes, et la trahison de Mogaba, démasqué comme fidèle de la déesse Kina, et adepte de rites anthropophages. Ce livre est aussi l'occasion de faire la connaissance d'un nouveau peuple, les Nyueng Bao, sorte de condensé de toutes les civilisations d'Extrême-Orient, et dont Murgen deviendra un proche. On en sait aussi davantage sur les années qui ont suivi la fin du siège, et sur la guerre sans fin qui s'est alors engagée entre les deux camps qui ont survécu à cette confrontation, car le récit ne cesse de naviguer d'un temps à l'autre.
Le mode narratif, en effet, se distingue ici de celui dont Glen Cook usait dans les livres d'avant. Même si ces derniers étaient censés être écrits par un seul homme (ou une seule femme), ils alternaient le plus souvent les points de vue complémentaires de plusieurs protagonistes. Mais cette fois Murgen est seul à s'exprimer. Seulement, victime d'un sortilège qui ne cesse de ramener son esprit dans le passé, et usant d'un procédé qui lui permet d'espionner les gens à travers l'espace et le temps, le nouvel annaliste parle tantôt d'une époque, tantôt de l'autre, tant et tant que son récit en est parfois désorientant.
Il l'est d'autant plus que Bleak Seasons n'a au fond aucune intrigue. Le lecteur sait a priori déjà comment les choses se sont soldées à Dejagore. Quand aux années ultérieures, celles où Murgen relate les faits, elles sont marquées par une relative apathie. Des événements surviennent en fin de parcours, notamment une attaque tragique des étrangleurs affidés à Kina, mais ils semblent presque fortuits. Aucun mystère n'est révélé. Otto et Hagop reviennent de longues investigations menées sur le continent Nord, celui de leurs premières aventures, mais ils n'y ont rien appris, ils ne sont pas venus à bout d'une mission qui consistait à démasquer le dernier Shadowmaster survivant. Croaker et Murgen sont sur le point de mettre la main sur les premières annales de la Compagnie, qui devraient leur révéler sa genèse trouble, mais ceux-ci disparaissent. Bref, rien n'avance vraiment dans ce livre.
Il s'est passé plusieurs années avant que Glen Cook n'entame, avec Bleak Seasons, un troisième cycle des aventures de sa Black Company. Avec ce livre, en revenant dans le détail sur ce qui s'était déroulé autrefois, et en présentant le nouvel état des forces en présence, sans doute voulait-il planter le décor et resituer les choses. Peut-être souhaitait-il tout bonnement rappeler aux lecteurs le contexte dans lequel se trouvait sa bande de mercenaires, avant que l'action ne redémarre pour de bon, mais dans le prochain livre seulement, She Is the Darkness. C'est en tout cas ce que suggère la fin en cliffhanger de cette suite, qui n'apporte pas grand chose de neuf à la saga.
Certes, elle nous offre un nouvel héros attachant : Murgen. Et ce changement de narrateur permet d'apporter une lumière neuve sur les deux précédents, notamment Croaker. Le porte-drapeau, par exemple, observe un moment l'attitude mesquine de son capitaine vis-à-vis de Blade, laquelle le fera passer à l'ennemi. Cette petitesse n'était bien sûr pas manifeste quand c'était ce dernier qui rédigeait les Annales. En changeant de point de vue, Glen Cook illustre une fois encore cette relativité des jugements et des valeurs qui est au coeur de son oeuvre. Mais en dehors de cela, Bleak Season adopte l'un des vilains travers de la littérature fantasy : il est avant tout un roman d'attente.
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