TOR Fantasy / J'ai Lu :: 1999 / 2004
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La première partie du roman se montre particulièrement statique. On y retrouve, comme déjà par le passé, la compagnie cachée et recluse dans un endroit sinistre, attendant patiemment l’heure de son retour. L’eau dort, proclame le titre. Et c’est exactement ce que le livre raconte. Désormais menée par Sleepy, l’ancienne adolescente aux airs de garçon qui l’a rejointe quelques livres plus tôt, ce qui reste de la Black Company panse ses plaies, avant de pouvoir se révéler à ses ennemis et de libérer ses compagnons emprisonnés depuis la fin du dernier livre. Ce faisant, cependant, Glen Cook demeure fidèle à son projet initial, qui est son grand apport au genre fantasy : y décrire les réalités de la vie militaire, en dehors du spectacle des batailles.
La saga de la Black Company nous a toujours raconté les à-côtés de la vie de soldat ; ou plutôt, ce qui occupe l’essentiel de son temps : les entrainements, les considérations logistiques, la camaraderie, ces heures passées à se chambrer mutuellement qui sont un moyen de tuer le stress et le temps. Dans Water Sleeps, elle nous décrit encore une fois tout cela, en plus d’une forme de combat plus perverse et commune que l’affrontement physique : la guerre psychologique. Les premiers chapitres ne nous parlent en effet que de cela : d’infiltration, d’espionnage, d’enlèvements, d’interrogatoires, d’escarmouches, du harcèlement des vainqueurs par les vaincus, de coups d’éclat censés instaurer la peur et le doute chez l’ennemi, et de l’inciter à l’erreur.
Parce que tel est l’essentiel de l’intrigue, la fantasy de Glen Cook est rarement spectaculaire dans Water Sleeps. Cet épisode, toutefois, se révèle supérieur aux deux derniers. Malgré ses moments de lenteur et de langueur, il constitue une avancée dans la saga, en particulier quand la Compagnie, dont le retour est maintenant connue de sa principale et vieille ennemie Soulcatcher, s’échappe enfin de sa cachette de Taglios et s’engage vers le Sud, vers la forteresse où sont maintenus ses membres historiques. A partir de cet instant, plusieurs grandes questions, dont certaines étaient restées en suspens depuis Shadow Games, le troisième livre de la saga, sont révélées peu à peu : les origines de la Black Company et la nature de Khatovar, leur lieu d’origine ; celle du mystérieux peuple des Nyueng Bao, avec lequel elle s’est alliée ; l’histoire des Shadowmasters, les puissants sorciers qu’elle a découverts quand elle a pris la route du Sud ; la vraie nature de Kina ; celle de la plaine des Glittering Stones ; celle même, du monde entier où l’histoire prend place.
Glen Cook cesse de jouer le même jeu qu’avec les précédents livres, et de remettre perpétuellement au lendemain la révélation de tous ces mystères, comme cela avait été le cas avec le coup de théâtre qui avait clos le précédent livre, She Is the Darkness. Il cesse de jouer de cette frustration permanente, qui est l’artifice épuisant par lesquels la fantasy capture ses lecteurs. Mais il laisse cependant assez d’ouvertures (la Compagnie arrivera-t-elle un jour enfin à Khatovar ; qu’adviendra-t-il de Soulcatcher et de sa nièce, la Fille de la Nuit ; quel est donc ce nouveau monde où ils achèvent leur course ; qu’est devenue leur ennemie Lisa Bowalk) pour légitimer un livre supplémentaire, dans cette saga extrêmement influente, mais qui s'est épuisée et a perdu beaucoup de l’originalité et de la fraicheur de ses débuts.
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