Robin Hobb a su traire la vache à lait. Mais si elle y est parvenue, c'est que sa première trilogie, celle sur laquelle nous nous focalisons ici, était exemplaire. Ses thèmes et son intrigue ne révolutionnaient pourtant pas la fantasy. Il s'agissait de classiques romans d'apprentissage, au cours desquels un jeune homme marginal et méprisé (un bâtard), Fitz, apprenait à maîtriser d'obscurs pouvoirs, sous la protection de quelques âmes bienveillantes, et dans un contexte manichéen, constitué très visiblement de gentils et de méchants.

Cependant, ces gentils et ces méchants étaient dépeints avec subtilité. C'étaient de vraies personnes, avec de l'épaisseur et des failles, à commencer par Fitz, qui n'était pas un héros tout à fait exempt de reproche. Le grand apport de Robin Hobb à la fantasy a été son approche des rapports humains. C'est surtout cela qu'elle raconte, dans des livres qui, sous leurs airs de récits d'aventures fantastiques, sont surtout des romans psychologiques. Cette vocation se traduit par l'espace confiné où prend place l'essentiel de l'intrigue : l'atmosphère étouffante d'un château royal. L'Assassin Royal, c'est un huis-clos dans les sphères du pouvoir, à la Gormenghast. Tout le reste, hormis peut-être l'ingénieux système de magie créé par l'auteur, est accessoire.

Cela aboutit à une histoire statique. Chez Robin Hobb, l'ennui montre souvent sa vilaine tête. Elle est une spécialiste du roman d'attente. Le ressort de son style narratif, ce sont les frustrations qu'elle crée, chez son lecteur. Ce sont ces pages et ces pages de dialogue, ce sont ces chapitres où domine la non-action. Mais en contrepoint, elle est capable de scènes saisissantes, comme la toute première du récit, celle où l'aïeul du jeune Fitz, l'abandonne à la famille royale dont il est le bâtard. D'emblée, ce passage remarquable nous indique que l'histoire du jeune garçon, quoique faite d'une ascension, sera avant tout une tragédie. Celui-ci, en effet, sera malheureux en amour, et il devra perpétuellement agir dans l'ombre du pouvoir, sans ne jamais en jouir.

Car l'autre grande caractéristique de ce cycle signé Robin Hobb, c'est sa fascination pour la souffrance. Son héros ne trouvera jamais le repos, pas plus que les autres personnages principaux d'ailleurs. L'auteur, avec une sorte de plaisir sadique, fait passer le pauvre Fitz par toutes sortes de douleurs morales et de tortures physiques, en particulier à la fin de la première trilogie. Et même si ce dénouement se conforme aux conventions de la fantasy, plus ou moins, sa happy end est en trompe-l'œil (elle l'était déjà dans Le Seigneur des Anneaux, me direz-vous...). L'amertume y côtoie de près le soulagement.

Au bout du compte, L'Assassin Royal est symptomatique d'une fantasy ayant atteint l'âge adulte. Mais à ce stade, la finesse d'écriture et la dentelle psychologique de Robin Hobb étant aussi source d'apathie et d'ennui, on ne sait pas trop bien s'il s'agit d'une évolution bienvenue ou malheureuse.


Assassin's Apprentice (1995)

ROBIN HOBB - Assassin's Apprentice

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L’enfant délaissé qui devient le sauveur du royaume, le père jamais connu et magnifié, le prince décadent cruel, le vieux maître caché, de mystérieux pouvoirs magiques et un monde plutôt manichéen. Avec ce livre, Robin Hobb ne révolutionnait pas le contenu de la fantasy, mais son format, avec un sens de la psychologie et un réalisme des situations particulièrement prononcés.


Royal Assassin (1996)

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Avec ce second volet, la formation de Fitz est faite. Il est confronté à présent aux affres de l'âge adulte. Le roman d'apprentissage laisse donc place au roman psychologique, avec son corollaire : une action inexistante, une intrigue ramenée à d'incessantes discussions entre le héros et les personnages principaux, jusqu'à ce qu'une apothéose réveille notre appétit pour la saga.


Assassin's Quest (1997)

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A l'image des deux tomes précédents, la fin de cette première série des aventures de l’Assassin Royal laisse une impression mitigée. Côté réussite, un traitement adroit et renouvelé des clichés de la fantasy, et une fin ambiguë, une happy end amère. Côté frustration, ces longs récits psychologiques, parfois subtils mais pas toujours, et toujours beaucoup trop de remplissage.