Gollancz :: 2012 :: joeabercrombie.com
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Le Pays Rouge dont nous parle Abercrombie, cependant, n'est pas situé dans l'Ouest américain. Son intrigue, il la place dans le même monde, d'essence médiévale, que ses précédents livres. On se bat à l'épée plutôt qu'au pistolet. L'espace où s'avancent les pionniers est la terre abandonnée d'un ancien empire, une terre antique, redécouverte au profit d'une ruée vers l'or. Les Indiens, appelés ici les Ghosts, ont en fait le visage pâle et les cheveux clairs. Et on retrouve quelques uns des personnages mis en scène dans les précédents romans, l'extravagant mercenaire Nicomo Cosca, le brutal demi-autiste Friendly, l'intrigante et la courtisane Carlot dan Eider, le tueur défiguré Caul Shivers, un célèbre et redouté guerrier barbare auquel il manque un doigt, et quelques autres encore.
Mais qu'importe. Même si le cadre est différent, ce que l'auteur nous présente est bel et bien un western, avec tous ses ingrédients : des enfants sont enlevés par des bandits ; une caravane est conduite dans de grandes plaines par un vieux trappeur désabusé ; elle subit l'attaque d'archers sauvages montés sur des chevaux ; les personnages se retrouvent dans des lieux de perdition, sortes de saloons, où ils se noient dans l'alcool ; des mercenaires sans foi ni loi sont emportés par la fièvre de l'or ; des malfrats poursuivent à cheval un convoi chargé de pièces ; un duel tendu prend place dans une rue déserte ; le héros finit l'histoire en s'éloignant, à cheval, vers le soleil couchant. On trouve même, au milieu du livre, les prémices d'une révolution industrielle.
Abercrombie, c'est sa force, maltraite, bouscule et tourne en dérision les routines du romanesque. Il les rénove, il les déniaise. Mais il n'y renonce pas. Plus que jamais, au contraire, son récit est émaillé de bonnes bagarres, de chevauchées sauvages, de batailles homériques, de personnages hauts en couleur et de coups de théâtre. Red Country signe même son retour de cette forme de romanesque, après un livre, "The Heroes", qui forçait un peu trop sur le concept. Ce roman, à nouveau, est traversé par une intrigue simple et unificatrice : la tentative de libération, par leur sœur et leur beau-père, de deux enfants que des crapules ont arraché à leur ferme, et que des sauvages ont recueillis.
Ce romanesque rencontre parfois des limites, par exemple pendant cette longue traversée vers le Far West (enfin, le Far Country) qui occupe des dizaines de pages. Ses épisodes, franchissements de rivières, attaques d'Indiens (enfin, de Ghosts), se montrent trop linéaires. Pour la première fois, le Britannique pratique le remplissage. Mais après, c'est le bonheur habituel. C'est à nouveau ce débordement de bons et de mauvais sentiments, de scènes actions échevelées, de retournements de situations, de dialogues truculents, d'aphorismes bien trouvés, de regard désenchanté sur la vie, et surtout, d'humour. Et si Red Country n'atteint pas tout à fait la dimension épique de Best Served Cold, le meilleur roman de Joe Abercombie, il n'en est pas bien loin.
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