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JEAN-PHILIPPE JAWORSKI - Le conte de l’assassin

Fantasy

JEAN-PHILIPPE JAWORSKI - Le conte de l’assassin

Don Benvenuto ! Oui, lui-même, Benvenuto Gesufal ! C’est lui qu’on voulait, l’assassin, le malfrat, la canaille. C’est lui qu’on attendait, le "héros" de ce qui est à ce jour le grand roman de la fantasy à la française, Gagner la guerre. Jean-Philippe Jaworski n’a pas chômé depuis. Il nous a proposé une saga celtique bien fichue, des nouvelles de qualité exceptionnelle et puis, en guise d’introduction à sa trilogie Le chevalier aux épines, une relecture moderne du récit de chevalerie. C’était bien, à chaque fois. Mais rien ne pourra remplacer le redoutable spadassin de la République de Ciudalia, âme damnée du machiavélique podestat Leonide Ducatore.

JEAN-PHILIPPE JAWORSKI - Le conte de l’assassin

Alors, quelle joie d'avoir assisté à son retour théâtral dans les dernières pages du Tournoi des preux, et de le voir soudainement tenter une action à l’image de son personnage : sale, tordue, traitresse. Et quel plaisir plus grand encore de le suivre une nouvelle fois sur la longueur de tout un roman, au cours d’un second tome de cette dernière saga intitulé Le conte de l’assassin, un livre dédié tout entier aux nouvelles aventures de cette fripouille soupe-au-lait, à ces bases besognes dont il est le plus grand expert, dans le monde très agité du Vieux Royaume.

Avec ce second épisode du Chevalier aux épines, on passe dans l’autre camp. Après avoir raconté, à travers les yeux du sire Ædan de Vaumacel et de son prisonnier (et néanmoins admirateur) Yvorin de Quéant les manœuvres des fils renégats de Ganelon de Bromaël, Jaworski nous explique ce qu’il s’est passé au même moment du côté de ce dernier. Et pour cela, il emploie le serviteur de l'allié et du beau-père du Duc, le podestat Ducatore. Revoilà donc Don Benvenuto embarqué dans une nouvelle galère. Comme dans Gagner la guerre, il commence sur un bateau, avec un gros mal de mer, une nouvelle collection de mésaventures.

Le revoilà donc en action, peaufinant ses mauvais coups, aiguisant ses lames et y recourant de la manière la plus félonne. Revoici cet enfant du caniveau empêtré dans les manigances des plus grands de son monde, lesquels, en dépit de son ascension sociale et de son titre d'argentier, ne voient toujours en lui qu’une nuisance ou un outil à user sans ménagement.

Jaworski apporte à une partie essentielle de son lectorat ce qu’elle désirait : un prolongement à Gagner la guerre. C’est la même débauche d’actions et de situations impossible. Et c’est, surtout, le même style d’écriture, familier, haut en couleur, tout en gouaille, rempli d’argot, de formules de style bien senties et d’images fleuries, à la manière de Céline ou d’Audiard.

On peut reprocher à l'auteur sa débauche de vocabulaire. Parfois, elle vire à la démonstration. Elle est plus un principe qu’un outil au service de l’histoire. Comme si la crédibilité littéraire de Jaworski en dépendait (alors qu’il excelle déjà par son style et son talent narratif), elle est trop en avant. Mais quand tous ces mots sortent de la bouche ou des pensées de Gesufal, c’est logique. Cette créativité lexicale transcrit au mieux l’esprit irascible de l’assassin, et son évolution inconfortable entre deux cercles, celui des bas-fonds et celui de la haute politique.

L’autre prouesse de l’auteur, c’est qu’il se renouvelle. Le ton, le style, le personnage sont les mêmes qu’autrefois. Mais le cynique spadassin de style Renaissance est transplanté cette fois dans l'univers médiéval des preux, et cela nous vaut une savoureuse confrontation entre les deux mondes. Cet homme d’extraction modeste élevé à l’école de la Realpolitik découvre les codes de la chevalerie, cet incompréhensible corpus de principes si éloignés de son esprit pratique et de son style expéditif. Et ce Sancho Pança se demande si les Don Quichotte qu’il rencontre sont suprêmement intelligents (après tout, on s'attend à voir les gens cacher leur jeu quand on grandit à Ciudalia), ou s’ils sont, parlons franc, aussi couillons qu’ils en ont l’air.

Autre changement : Don Benvenuto n’y arrive plus. Les tâches confiées par le podestat ou par sa garce de fille, désormais duchesse, ont toujours été des missions impossibles. Mais cette fois, dans cette contrée de mystères et de contes de fée où on a envoyé l’assassin, les règles ne sont plus les mêmes. Il a beau se démener et s’acharner sur les cibles qu’on lui désigne, elles lui filent entre les doigts, elles en réchappent, et elles laissent ouverte l’intrigue que devrait dénouer l’ultime tome du Chevalier aux épines, ce très inhabituel roman de chevalerie.

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